Thomas Lejeune
Merci de te prêter au jeu du face-à-face. Je suis sûr que les lecteurs apprécieront de te découvrir davantage à travers cette entrevue.
Allez, c’est parti !
Parlons de ton livre :
« Sans toi, on continuera » Peux-tu nous expliquer ce qui t’a inspiré ce livre ?
Me réveiller en pleine nuit, comprendre que mon macabre imaginaire vient de me faire réfléchir à quelque chose qui relève de l’impossible, que ça ne pourrait pas arriver. Puis, torturé comme je suis, je me suis mis à donner des ailes et des personnages à cette inexplicable pensée.
Dans ce roman, comme dans les deux premiers, on retrouve un point commun : L’Irlande ! D’où te vient cette passion pour ce pays ?
L’alcoolisme ! C’est à la fois très simple et complexe. Je me suis tout de suite senti chez moi là-bas. Le style de vie, la nature, les gens, ça me porte et je me demande même si mes parents ne m’ont pas menti et que je suis bien né là-bas. Et je dis ça en étant sobre, promis.
Est-ce qu’il y a une part de José en Thomas ? Si oui, dans quelle mesure ? Sinon, quel trait de caractère lui envierais-tu ?
Je lui jalouse sa capacité à avancer malgré le destin que je lui ai réservé. Je serais lui dans la mesure où je rêverais de partir à l’aventure avec son enfant avec une réelle quête à poursuivre.
Et s’il devait y avoir une suite, mais dans la peau du fils, Sam, quelques années après ce périple ? L’idée t’a traversé l’esprit ou tu as définitivement tourné la page José et Sam ?
Je n’en imagine pas une de suite car ce ne sont pas des super-héros. J’ai eu envie de raconter un bout marquant de leur vie mais à mon avis, ils restent des personnages qui avancent en étant un peu perdus et essayent de s’en sortir, un peu comme beaucoup je présume. Je les laisse donc continuer leur chemin, même si j’aimerai bien les revoir un jour et savoir ce qu’ils sont devenus.
Parlons un peu de toi :
Mon petit doigt m’a dit que tu étais passionné de cyclisme/VTT et que la compétition était un de tes moteurs, tu nous en parles ?
Je travaille depuis plus de dix ans dans la sphère du vélo. Ce sport a forgé en moi la capacité à me fixer des objectifs et travailler dur pour tenter de les atteindre. Écrire un roman me semble un bon parallèle : on s’entraîne beaucoup, on y pense tout le temps et on espère finir bien classé au moment de couper la ligne (ou être lu).
Tu en es à ton troisième livre. Pourrais-tu en quelques mots, nous dire pour chacun d’entre eux, ce qui te rend le plus fier ?
Le premier, assurément de m’y être jeté alors que je ne connaissais rien à l’écriture. Le voyage intérieur est une aventure incroyable !
Le second, d’avoir pu retranscrire une vie de jeunes à Dublin que j’aurais aimé vivre, hors tragédie bien sûr. Alors, comme on ne peut pas rajeunir, je l’ai écrit.
Le troisième, c’est d’y être encore parvenu et je le pense, avoir réussi à le rendre plus abouti. Étant jeune papa, je voulais aussi relever le challenge d’écrire sur une relation père/enfant.
Quels sont tes projets pour 2018 niveau écriture ?
Un synopsis et un premier chapitre sont déjà écrits mais j’ai encore besoin de laisser mon cerveau produire du contenu pour avoir le déclic de me dire « c’est parti ».
Qu’est-ce qui te semble le plus compliqué lorsque tu te lances dans l’écriture ?
Être dans le bon état pour écrire. Si je dois écrire du triste et que je viens de passer un bon moment, je n’arrive pas à être encore assez « schizo » pour sombrer dans la noirceur. C’est donc plus ça qui conditionne l’acharnement sur le clavier, plus que les idées.
Peux-tu nous raconter un souvenir d’enfance lié à la lecture ?
J’en ai peu car même si j’adorerais lire énormément, je n’arrive pas souvent à me plonger dans un livre. Enfant, j’ai aimé « Le chien des Baskerville » même si au final l’histoire n’est pas folle. Mais ce titre et ce qui m’en reste en font toujours une lecture marquante.
Si tu n’avais aucune limite, aucune contrainte, quel serait ton rêve ?
Rien de si fou, juste vivre quelques belles années en Irlande pour rester inspiré et curieux comme je l’ai été à chaque voyage. Et côté idéaliste, qu’écrire me permette d’y vivre. Puis, quitte à ne connaître aucune contrainte, qu’un de mes romans se concrétise en scénario puis en film : Le rêve !
Une question qui devient incontournable : Une photo ! À toi de nous dire ce qu’elle t’inspire !
L’homme a bien vécu. La vie ne l’a pas épargné mais ce soir il respire toujours pour apprécier ce paysage qu’il partageait encore il y a quelques années avec celle qui l’a toujours relevé. D’ailleurs, il n’a jamais pu se rasseoir sur ce banc mais il n’oublie jamais d’aller se tenir contre l’arbre, comme cette fois où elle lui annonça qu’enfin, ils allaient devenir parents. Il a eu des rêves, enduré les désillusions, aimé ses proches avec ses défauts, a essayé d’être bon sans savoir au final en quoi cela consistait, s’il y était parvenu. Et ce ne sont pas les couleurs du ciel, apaisantes et menaçantes qui l’aideront à mieux y réfléchir. Il est d’ailleurs temps de rentrer. Pas parce qu’il est pressé mais par habitude et que sa hanche d’ouvrier depuis ses seize ans le fait davantage grimacer que la veille. Rhumatismes ou mauvais présage, il n’a pas envie de se laisser envahir par cette question. Demain encore, il espère revenir et avant que sa béquille ne le lâche, oser. S’asseoir encore une fois sur ce banc, ressentir l’amour qu’il avait pour elle avant d’avoir été assez patient pour la rejoindre. Enfin.
Je lance un rituel dans les entrevues pour « chroniques au scalpel » avec la question de l’auteur. Le principe est simple, c’est à toi de me poser une question de ton choix !
Assis sur une chaise, tu es dans une pièce sans porte où tu ne peux pas faire plus de trois pas. Sur le mur friable, tu as laissé six traits à l’aide d’un ongle, comme le nombre de jours dont tu te souviens d’être là sans que personne, ni aucun signe de vie, ne se manifeste. La seule lumière du jour qui est faible en ce mois d’hiver rigoureux, provient d’une lucarne crasseuse à plus de dix mètres du sol. Les griffures profondes aux cuisses te rendent fou tant elles te rongent les chairs brûlantes et suppurantes. Comment est-ce arrivé ? Ça aussi, cette pensée consume ton cerveau. Tu suffoques, cries, pries, vrilles de plus en plus longtemps. La peur de finir ici t’as capturé. Ils sont restés devant toi, tu n’as pas encore osé y toucher. Tu les défies depuis tout ce temps en les interrogeant. Presque chaque minute, sans t’être encore décidé. Quel réflexe humain, primaire, te rattrapera ? Engloutir ce sandwich à l’odeur chimique ou appuyer sur la détente du colt dont tu scrutes la seule balle posée dessus ?
Dam :
À première vue, la situation est compliquée. On pourrait même penser qu’elle m’échappe depuis le début ! Ma présence ici ne doit rien au hasard. Elle serait plutôt un aboutissement.
Six jours ! Voilà ce que disent les marques au mur !
Six marques sombres. Le sang a eu le temps de sécher et teinter la pierre blanche.
J’ai sûrement hurlé pour qu’on vienne me libérer, pour qu’on justifie ma présence en ce lieu, en ces conditions. Je suis presque sûr d’avoir prié pour qu’on vienne me sortir de là, mais personne ne viendra alimenter ma curiosité. Je le sais. Je suis aussi le seul à savoir pourquoi.
Ces six journées ici m’auront été utiles. C’était le temps nécessaire pour trouver l’issue à ma situation. J’avais besoin de faire un point sur tout cela, réfléchir aux conséquences, libérer mon âme de toute cette culpabilité. Finir à la même place que les autres. Je préfère les appeler les autres, car ils ne méritent à mes yeux, aucune considération. Leur accorder trop d’importance revient à souffrir et revivre encore et encore les atrocités qu’ils ont accomplies. Maintenant qu’ils ont tous payé de leurs vies, la fin, ma fin ne peut pas être différente.
Pour le sandwich, tous les sept ont eu le même réflexe. En moins de 24 heures, il était mangé, un instinct de survie primaire et basique. En revanche, pour l’arme le déclic a été plus long. Après s’être déchiré la voix en vain, avoir tenté d’escalader les parois à mains nues, avoir pleuré des jours durant, personne n’a tenté d’utiliser l’unique balle dans l’infime espoir d’attirer l’attention de quelqu’un. Comme s’ils avaient tout de suite su, eux aussi, que cette cartouche leur était destinée.
Ils ont tous fini par charger le colt de l’unique balle, certains avaient les larmes aux yeux en déroulant le fil de leur vie, de leurs pêchés avant d’appuyer sur la gâchette exprimant par ce seul geste le courage dont ils n’ont jamais preuve durant leur vie, même après les atrocités qu’ils ont commises.
La vengeance a eu lieu. Ils ont payé. C’est terminé pour eux.
C’est terminé pour moi aussi, je n’ai plus rien à faire ici.
À mon tour de payer pour ces sept meurtres, pour cette vengeance aveugle.
L’arme est chargée. J’ai tenu aussi longtemps que nécessaire.
J’ai fait ce qu’il y avait à faire, aucun regret, aucun remords, juste de la tristesse.
Je connais les règles. Une seule balle. Une dernière pensée pour elle, une dernière larme et je suis libéré, enfin !
Pas mal ta réponse. Je m’attendais à une phrase mais je vois que tu as eu l’audace d’imaginer à ton tour un récit, bravo. D’un condamné, tu t’es offert le rôle d’un killer, t’as bien raison !
Voilà, le face-à-face en 12 questions de Thomas Lejeune est terminé. Il me reste à te remercier pour ton temps.
Merci également à vous lecteurs, d’avoir pris le temps de le lire.
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